lundi 1 août 2011

Arrivée à Gibraltar : 17 juillet 2011



A l’aube nous traversons au moteur le détroit de Gibraltar.

Merveilleux levé de soleil sur les portes containers endormis, pointe de Gibraltar en contre-jour et magnifique côte africaine de l’autre côté de la Méditerranée. Baisser de rideau sur une longue traversée qui se termine en beauté.

BMS prétexte pour une escale : 15 juillet 2011- Golfe de Cadiz









BMS : Bulletin Météorologique Spécial, coup de vent sur le Golfe annonce Martine. Echaudé par les nuits précédentes, l’équipage de concert choisi la prudence et décide de rejoindre au plus vite la côte portugaise. Notre abri se nomme Villa Real de Santo Antonio et se situe dans la belle Algavre du Portugal. L’entrée dans la marina est délicate car elle se fait par une étroite ouverture depuis le canal ou règne un fort courant. A la marina on se préoccupe apparemment plus de la météo des plages que de la marine. Pas connaissance en tout cas de ce coup de vent. Nous profitons de l’escale pour visiter le charmant village portugais et déguster la « bachalau » locale.

Reposés, nous devenons plus téméraires et décidons de reprendre la mer. Sortie périlleuse de la marina et panne moteur dans le canal. Belle réactivité de l’équipe et sortie en beauté à la voile avec quelques sueurs froides quand même.

Retour au calme : 13 juillet 2011- à l’approche de la Baie de Cadiz


Une fois le cap St Vincent dépassé, la mer se calme aussitôt et le vent s’éteint comme par enchantement. On en profite pour faire sécher matelas et vêtement, plonger dans l’eau, remplir nos estomacs vides, se reposer et puis tout doucement, c’est reparti, voiles en ciseaux vers l’entrée du Golf de Cadiz.

Quarante-huit heures de combat : les 11 et 12 juillet 2011- Sao Vicente

Sur le livre de bord est inscrit : conditions difficiles, force 6 à 8, avec mer très agitée. Tout a commencé par un grain annonciateur. Une bosse de ris lâche, 300 milles avant le cap St Vincent. Une longue lutte commence : vent force 7 avec des rafales à 8 sur une mer très formée à la houle haute et parfois déferlante. Quelques vagues déferlent sur le bateau et remplissent le cockpit qui se vide progressivement. Une cinquantaine de coups de pompe sont alors nécessaires pour vider les cales. L’une de ces vagues a réussi à coucher le bateau mais n’est heureusement pas parvenue à emporter le capitaine bien cramponné à la barre et retenu par son harnais. L’eau monte jusqu’au genou à l’intérieur du cockpit. Mais la Boudeuse refoule les assauts et garde le cap ! Les trois barreurs se relaient. Anita ne veut pas être en reste et s’oppose à la volonté du capitaine qui voulait la préserver en lui évitant les quarts. « Tu fais quoi là, voyant Thierry renfilant sa salopette, retourne dormir ! » et la voici sortie du cockpit, veste de quart sur les épaules pour prendre son tour. Olivier pieds dans l’eau à la barre et Anita qui attend dans le carré « que le bassin se vide. ». Par miracle Olivier traverse son quart sans se faire arrosé et c’est tout à fait sec qu’il s’apprête à céder son tour. Quand au dernier moment une déferlante le trempe et là retentit le juron favoris « pu.de.me.co. ». Le capitaine crache à la mer se retourne et reçoit en retour une bonne brassée d’eau de mer « retour à l’envoyeur ». Anita traverse le bateau en une seconde pour finir s’amocher la pomme de main sur le coin de la cuisinière. Des cargos qui curieux s’approchent de cette petite embarcation bien vulnérable au milieu de ce déchaînement.

Et pendant que les barreurs luttent contre les éléments et gardent le cap, Sandrine confinée avec les filles dans la cabine arrière demande à Nora de lui passer le seau, sous les éclats de rires d’Eloïse. Les filles incroyablement patientes et confiantes ont, elles aussi, essuyé la tempête, 48h enfermées à se balancer avec la gîte.

Navigation sereine : du 4 au 10 juillet 2011 – Les Açores, Joséphine

Direction plein Est au près puis rapidement aux allures portantes oscillantes du grand large au vent arrière. Le ciel est plutôt clément avec des périodes de grand soleil entrecoupées de quelques nuages. Les conditions idéales pour ces premiers jours de navigation. De jolies surprises de la nature, des moments de joies, d’émotions ponctuent notre route. Jamais d’angoisse ni de tension pour ce départ. C’est presque trop facile… :

Surprise météo - La Boudeuse avance bon train quand un nuage la survolant déverse sur la tête de la barreuse une pluie généreuse. Arrêt total du bateau et calme plat comme si l’air et l’eau s’arrêtaient pour bavarder. Après quelques temps La Boudeuse lentement, lourdement se laisse soulever par ses voiles regonflées et reprend tranquillement sa route.

Pendant plusieurs heures, nos amis les dauphins viennent s’amuser autour du bateau, plongeant sous l’étrave, surg
issant à la poupe, coursant La Boudeuse, saut périlleux de quelques audacieux. Ils nous narguent : quand Olivier distrait empanne et provoque l’arrêt net du navire, les dauphins stoppent leur course folle et attendent patiemment sur le dos que les voiles soient à nouveau gonflées. Ce spectacle réjouit les filles qui pour l’occasion vêtues de leur gilet peuvent accéder à la poupe du navire.


La mer est calme le vent presque absent. Le bruit de la baume attire trois baleines communes. Elles nous accompagnent un long moment. Nous nous observons mutuellement. Il s’agit certainement d’une famille avec un bébé d’au moins 9 mètres et ses parents plus grands que La Boudeuse. Un souffle caractéristique sort de leurs narines d’ouverture large d’au moins 40 cm. Admiration mêlée à l’angoisse. On évoque les dégâts que peuvent engendrer de tels monstres marins.

La navigation est parfois douce et belle et d’autre fois agitée et toujours aussi belle. Nuits de quart calmes après des journées parfois agitées. Forte houle par l’arrière qui se transforme en agréable balancement sous le ciel étoilé. Parfois la lune nous surprend par derrière et nous accompagne dans le noir.


Les traits d’humour de l’équipage - Sous un vent force 2 à 3 maximum et après des heures d’immobilité, Anita toute fière annonce « Ah j’ai bien avancé, 50 milles en 1 h (en moyenne on arrive à parcourir 100 milles en 1 journée)! En plus avec un super cap ! ». Olivier fou furieux sort du cockpit prêt à tuer le génois qu’il s’est efforcé de garder bandé toute la nuit. Après calculs et réflexions le capitaine comprend enfin l’erreur. E
n passant le « way point » programmé sur le GPS, l’appareil re-calcul la distance à parcourir en fonction du prochain « way point » ce qui peut artificiellement augmenter la distance parcourue. Olivier se gausse. Quelques quarts plus tard Anita se venge en sortant de sa couchette agacée par le claquage incessant des voiles « euh ! olivier c’est 130 ° le cap » et Olivier de répondre en effectuant un franc coup de barre « euh ! t’as pas tort ».



La pêche est très décevante. Le capitaine a pourtant mobilisé toutes ses troupes : Charlie, Victor… rien n’y fait, pas une touche. Il semble que l’homme est réellement parvenu à vider l’Océan.



Les conditions de vie à bord sont spartiates. On se douche à l’arrière du pont quand la météo le permet et le reste du temps on se bouche le nez. Le bain des filles se transforme en jeu dans le carré à l’étroit d’une bassine. Les besoins s
e font par-dessus bord et par gros temps on sert les dents. Les couchettes sont interchangeables et on s’enjambe dangereusement pour prendre son quart. A en regretter presque le confort de Lamalu…


La Boudeuse mérite par contre ses 5 étoiles en termes de préparation culinaire. La palme d’or revient au capitaine pour sa tortilla renversante par gros temps et les crêpes pour rendre la bonne mine aux filles après un amarinage difficile. Prix spécial du jury pour la quiche, préparation relevant de la véritable prouesse technique par forte gite.



Les enfants à bord - Après un cours temps d’amarinage (24h), la vie normale s’installe. Les d
isputes reprennent mais chacun finit par trouver son équilibre et s’approprie son aire : Nora fille de l’air investit le cockpit le nez au vent. Eloïse en bonne descendante du capitaine a élu domicile dans le carré et sort de temps son nez pour superviser l’ensemble. Le voyage est riche pour les enfants malgré l’espace réduit et le confinement. Un nouveau monde à découvrir : vaste océan d’où surgissent sans prévenir dauphins et baleines. Avec une artiste à bord l’émulation va bon train et les chefs d’œuvre foisonnent. De simples occupations rythment les journées : jeux d’eau pour se détendre, devinettes pour occuper l’esprit, on aide aussi à la cuisine surtout pour jeter les épluchures sous le vent.