Et le moteur coula… ou presque ! Passés la deuxième écluse, nous nous désaccouplons des américains, ce serait trop beau s’ils acceptaient de nous tirer pour les 28 miles restants avant la dernière écluse (Gatun locks). Je mets la puissance moteur à fond, heureux de mes 6,5 nœuds et plus ! Mais Sandrine, depuis le carré, signale à Johan qu’il y a un problème. Lui rétorque tranquillement qu’il est occupé. Quand il va voir ce qu’il y a, il repasse la tête, et crescendo nous dit : « On coule ! Il faut ralentir le moteur. Il faut arrêter le moteur tout de suite car on coule ! » L’aiguille de température essayait de faire sauter sa butée, soit 120°. Nous arrêtons donc le moteur, je passe la barre à Sandrine (au bon moment puisque nous filons droit vers les récifs le long du canal), et je descends au moteur. Nous ouvrons l’accès au moteur, ambiance sauna vapeur. Johan, génie mécanique, me crie : « Ouvre le refroidissement ! », avec quelques précisions : « Protège ta figure et ouvre le refroidissement !». J’exécute, et effectivement cela nous pète à la gueule, de l’eau bouillante en geyser ! Avec rapidité, il remet un jerrican d’eau dans le circuit et demande de redémarrer immédiatement. Notre perkins accepte au premier coup, température normale. A quelques secondes près, nous coulions certainement notre moteur. Mais les dieux sont avec nous, La Boudeuse repart, vent et courant de face, vaillante dans la brise.
Parviendrons nous à temps à la troisième écluse ? Le senior advisor, petit cachottier, nous informe qu’il existe un raccourci pour les voiliers. Celui ci traverse une multitude d’îles au niveau du lac Gatun. Cette nouvelle route nous fait gagner une bonne demi heure. Le spectacle est magnifique à l’heure du coucher du soleil. Du baume au cœur, un vent un peu plus favorable qui nous permet de sortir un peu de génois, nous recommençons à espérer et avançons fièrement à une vitesse de 6,5 nœuds, moteur au ralenti cette fois ci. Echange radio entre les advisor des différents bateaux. Les deux voiliers américains nous attendent jusqu’à 18h50. Après cela il sera trop tard et nous devrons alors passer une nuit au mouillage dans le lac réputé pour ses moustiques d’une grande agressivité. Sans oublier qu’il nous faudra payer des frais supplémentaires conséquents pour le retard. La Boudeuse mord les vaguelettes du canal et avale les miles pour, essoufflée, parvenir à temps à l’entrée de la troisième écluse. Aucune mauvaise humeur ne transparaît chez nos chers convoyeurs américains plutôt de l’empathie ! La troisième écluse nous fait, contrairement aux deux premières, descendre de niveau. Emus, sous les lumières tamisées de cette écluse de presque un siècle, nous contenons notre joie d’avoir passer ce canal mythique sans pertes ni fracas. Merci à notre nombreux équipage et à ces deux beaux voiliers qui nous ont beaucoup facilité la tâche !