jeudi 27 mars 2008

26 mars 2008 - Canal de Panama






Au petit matin du 25 mars, nous sommes fins prêts pour le transit. Nous embarquons Federico et son fils (aides pour tirer les lignes, il en faut quatre). Un bateau nous apporte avec plus d’une heure de retard deux « canal advisor », un instructeur et un candidat advisor. Une bouche de plus à nourrir ! Nous passons sous le pont des Amériques, photo souvenir, un cargo de 300m nous fait une queue de poisson. Arrivés aux écluses, nous nous accouplons à deux autres voiliers américains (luxueux « of course ! »). Mais je précise au canal advisor : « Nous nous avons un bateau en acier ! ». Nous prenons le côté bâbord. Le voilier du centre effectue toutes les manœuvres durant les écluses, nous n’avons que deux lignes à gérer! Accouplé, c’est le pied, des heures de moteur gagnées.

Et le moteur coula… ou presque ! Passés la deuxième écluse, nous nous désaccouplons des américains, ce serait trop beau s’ils acceptaient de nous tirer pour les 28 miles restants avant la dernière écluse (Gatun locks). Je mets la puissance moteur à fond, heureux de mes 6,5 nœuds et plus ! Mais Sandrine, depuis le carré, signale à Johan qu’il y a un problème. Lui rétorque tranquillement qu’il est occupé. Quand il va voir ce qu’il y a, il repasse la tête, et crescendo nous dit : « On coule ! Il faut ralentir le moteur. Il faut arrêter le moteur tout de suite car on coule ! » L’aiguille de température essayait de faire sauter sa butée, soit 120°. Nous arrêtons donc le moteur, je passe la barre à Sandrine (au bon moment puisque nous filons droit vers les récifs le long du canal), et je descends au moteur. Nous ouvrons l’accès au moteur, ambiance sauna vapeur. Johan, génie mécanique, me crie : « Ouvre le refroidissement ! », avec quelques précisions : « Protège ta figure et ouvre le refroidissement !». J’exécute, et effectivement cela nous pète à la gueule, de l’eau bouillante en geyser ! Avec rapidité, il remet un jerrican d’eau dans le circuit et demande de redémarrer immédiatement. Notre perkins accepte au premier coup, température normale. A quelques secondes près, nous coulions certainement notre moteur. Mais les dieux sont avec nous, La Boudeuse repart, vent et courant de face, vaillante dans la brise.


Parviendrons nous à temps à la troisième écluse ? Le senior advisor, petit cachottier, nous informe qu’il existe un raccourci pour les voiliers. Celui ci traverse une multitude d’îles au niveau du lac Gatun. Cette nouvelle route nous fait gagner une bonne demi heure. Le spectacle est magnifique à l’heure du coucher du soleil. Du baume au cœur, un vent un peu plus favorable qui nous permet de sortir un peu de génois, nous recommençons à espérer et avançons fièrement à une vitesse de 6,5 nœuds, moteur au ralenti cette fois ci. Echange radio entre les advisor des différents bateaux. Les deux voiliers américains nous attendent jusqu’à 18h50. Après cela il sera trop tard et nous devrons alors passer une nuit au mouillage dans le lac réputé pour ses moustiques d’une grande agressivité. Sans oublier qu’il nous faudra payer des frais supplémentaires conséquents pour le retard. La Boudeuse mord les vaguelettes du canal et avale les miles pour, essoufflée, parvenir à temps à l’entrée de la troisième écluse. Aucune mauvaise humeur ne transparaît chez nos chers convoyeurs américains plutôt de l’empathie ! La troisième écluse nous fait, contrairement aux deux premières, descendre de niveau. Emus, sous les lumières tamisées de cette écluse de presque un siècle, nous contenons notre joie d’avoir passer ce canal mythique sans pertes ni fracas. Merci à notre nombreux équipage et à ces deux beaux voiliers qui nous ont beaucoup facilité la tâche !


samedi 22 mars 2008

Attention enfants à bord !


Parents indignes ? Parents fous ? Que pensez d’un père et d’une mère qui emmènent dans leur aventure leur progéniture ? Comment se comportent des enfants en bas âge d’un côté perdus au milieu de l’océan de l’autre confinés dans une cabine, obligés à porter harnais et gilet ?
Il faudrait que les enfants se rappellent et puissent parler. Mais voilà Nora n’a pas encore deux ans et Eloïse vient juste d’avoir 5 mois. Seul le point de vue des parents, pas vraiment objectif certes peut tenter de répondre.

Nora a 20 mois. Elle sait déjà que le soleil se lève chaque matin à l’est et se couche à l’opposé, que ce spectacle chaque jour attendu est un enchantement. « Oh ! » s’exclame t’elle en pointant le soleil. La lune est aussi un des ses astres favoris. Mer et terre signifient beaucoup pour elle. Elle ne possède pas encore beaucoup de vocabulaire mais « mé » est le mot qu’elle prononce le plus souvent et avec un grand enthousiasme. Bon dans cette partie du monde ou le vent est rare « broum broum » revient assez fréquemment également.

Les rencontres avec d’autres enfants sont rares. Les seules personnes étrangères avec qui elle peut converser dans son langage sont les pêcheurs. Alors Nora ne parle pas mais crie. Il faut se faire entendre à si grande distance. Par contre nous vivons la proximité à bord, source de joie intense mais parfois de nervosité. Et comme ailleurs la colère monte au nez. Mais quelle chance de pouvoir vivre l’évolution des ces petits êtres en continu. L’école nous les enlèvera bien assez tôt.

L’espace dans le bateau est réduit mais tout autour le regard de Nora se perd. Le mouvement du bateau est vite pris et on ne compte pas de bleu sur ses genoux à ce jour. L’équilibre est une habilité vite acquise. L’eau salée est à volonté et libre dans le bateau. On peut tout renverser et vivre tout mouillé. Par contre les vivres, l’eau douce et la lumière sont précieux et on apprend vite à ne pas gaspiller.
Le retour à terre est souvent comique. Nora marche en titubant. Elle s’amuse de tout. Mais à du mal à se tenir, et court dans toutes les directions. Finalement le danger est plus à terre ou nous avons du mal à la garder à l’œil.

Eloïse, notre bébé ne pleure jamais sur La Boudeuse (en dehors non plus d’ailleurs). Elle aime sortir le nez sur le pont quand le soleil tombe et la brise rafraîchit. Le reste du temps elle se balance, mange et dort.

Nora et Eloïse sont heureuses à bord sûrement parce qu’elles sont avec nous. Elles nous suivraient n’importe où. Alors pourquoi pas sur l’océan. Là où beaucoup diront c’est de la folie, elles pourront dire qu’elles l’ont fait bébé en espérant que pour demain cela leur ouvre grand la porte du « TOUT POSSIBLE ».

jeudi 20 mars 2008

L’antichambre du canal



Le couperet est tombé, transit par le canal prévu pour La Boudeuse le 18 avril ! Panique à bord nous devons revoir tout le planning, prévenir tout l’équipage dont nous allons perdre sûrement quelques membres. Nous nous endormons abattus. Le lendemain nous nous renseignons auprès des bateaux voisins qui ont obtenu eux des délais plus raisonnables. Coup de fil à l’ACP (Autoridad Canal Panama), contre-ordre La Boudeuse transitera le 25 mars. Ouf !

Nous sommes au mouillage depuis dimanche dans le golfe de Panama, à Balboa exactement. Autour de nous flottent une cinquantaine de voiliers et, un peu plus au large, d’énormes cargos (jusqu’à 300 mètre de long). Nous avons même aperçu un sous marin. D’où viennent-ils, que transportent-ils, autant de bateaux autant d’histoires. De l’autre côté du golfe la ville de Panama city. Vue de la mer elle ressemble à Manhattan. Au cœur de la ville on retrouve bien l’Amérique latine, une population mélangée au beau dégradé de couleur, des autobus à l’ancienne bien décorés, les gens aux embonpoints mal placés, influence de la mal bouffe du nord, les mamas si expansives envers Nora et Eloïse. Curieusement au milieu de cette vie citadine nous avons découvert quelques parcs à la végétation tropicale. Les tours qui émergent de l’eau, les tours qui poussent au milieu de la jungle, les hommes qui fourmillent et ceux qui flottent, drôle de monde où les contraires se fondent.

Nous préparons le départ, on protège le bateau (pneus tout autour), d’énormes haussières pour le passage des trois écluses du canal, des équipiers supplémentaires pour les manœuvres. Nous avons hâte de passer ce canal mythique et de plonger dans les Caraïbes…

Canal de Panama : jusqu’à présent, nous n’avons pas eu de mal pour les formalités administratives ; nous avions l’aide d’un taxi (transports entre les différents bureaux, location des haussières et pneus), mesures du bateau et paiement au troisième jour et transit (on l’espère) endéans les dix jours.

jeudi 13 mars 2008

13 mars - Las Perlas


Fini de vivre dans l’isolement et le silence. Retour à la civilisation. La dernière île des Perlas avant Panama regorge de toutes les facilités auxquelles nous n’avions (par bonheur) plus accès. En pirates des temps modernes, nous piratons sans vergogne le wifi des familles fortunées de l’île depuis le pont du bateau ! Hissez le drapeau noir !

12 mars 2008- Las Perlas



Nous partons vers Isla Espiritu Santo. Quatre voiliers se sont déjà abrités dans cette fine bande de mer entre les îles recouvertes de végétation sauvage. Petite activité snorkling un peu décevante pour nos amis habitués aux fonds irréprochables d’Indonésie. Avec Nora nous nous engageons entre les racines des mangroves et partons pécher au coucher du soleil dans notre petit dinghy. Pêche encore infructueuse qui finira par l’abordage d’une barque de pécheurs. Nuit ventée mais bien à l’abri l’ancre tient bon.

11 mars 2008 - Las Perlas


Nous allons avec Nora à l’entrée du rio admirer la mangrove et ses oiseaux fins et blancs. La pêche jusqu’à ce jour est infructueuse et se transforme en pêche aux pêcheurs. Ils croulent sous le poisson et nous cèdent leur butin à bon prix. Encore une fois ils sont notre salut.

Johan et Thierry se rendent au village et ramènent à bord deux agents des services maritimes. Nous n’avons pas encore fait les formalités d’entrée au Panama car il aurait fallu pour cela faire l’impasse sur les merveilleuses Perlas et faire feu su Panama city. Quelques bières et amuses gueules suffisent à faire de ces deux hommes nos alliés. Mais le capitaine garde une belle dent contre eux. En raccompagnant les deux bougres dans notre dinghy, ils parviennent à le retourner à l’amerissage. Le hors bord pique un nez dans le sable mais sans dégât. Snapper au déjeuner grâce à nos amis pêcheurs.

10 mars 2008- Las Perlas


L’équipage quitte le navire pour partir à la recherche de cette magnifique plage que nous avions aperçu à l’approche des Perlas. Surprise, en plein centre de l’île nous découvrons une piste d’atterrissage désaffecté sur laquelle la nature commence à reprendre ses droits. Au bout de la piste émergent des roches et la plage aux si belles couleurs, bleu marine, blancheur de l’écume, gris du sable fin, ocre de la terre façonné par les vagues, vert lumineux des feuilles de palmiers et de nouveau le bleu et blanc du ciel et des nuages. Les vagues nous frappent et nous entraînent. Nora roule et s’ensable. Un pélican triste blessé traverse péniblement une à une les stries de cette beauté.

Nous levons l’ancre pour la replanter dans le sable près du rio cacique, sorte de bras de mer qui s’enfonce dans la jungle.

9 mars 2008 - Las Perlas



Las Perlas sont des îles pour la plupart complètement sauvages situées au sud du Panama. Nous ancrons au sud de la plus importante d’entre elles : l’île de Rey (Punta cocos). A l’arrivée un petit accroc.

Trop excités pour regarder attentivement les cartes nous frôlons un rocher et dans l’affolement cassons la tringlerie de la boite de vitesse. Bonne fortune, une barque de pêcheurs nous permet de mouiller sûrement. Ainsi, les maîtres de la mécanique à bord peuvent-ils tranquillement et sans problème corriger la petite défaillance du moteur.

Nous laissons le capitaine à bord et partons à le rencontre des habitants du petit village d’Esmeralda. « Vivre ainsi, c’est un concept » dixit Bibianna. Petit village de pêcheurs au milieu de l’océan la vie semble couler sans vague ni tempête. L’indifférence est le terme qui qualifie le mieux ces habitants. Seule Nora réanime en eux un peu de curiosité. Nous ne rencontrons aucun esprit mercantile. Les pêcheurs nous cèdent leurs poissons presque pour nous faire plaisir. Les dollars ne servent qu’à parier au Bingo le dimanche. Au retour nous devons à nouveau notre salut aux pécheurs de l’île qui libèrent l’hélice de notre dinghy des mailles de leur filet.

3 mars 2008 – 9 mars De Isla Plata aux Perlas.

7 mars 2008

Le rêve de Bibiana se réalise. Tout à coups nous nous retrouvons cernés par plusieurs centaines de dauphins. Les hommes nous lâchent dans le grand bleu. Mais ces gentils cétacés restent prudents et n’osent pas nous approcher. Il faudrait du temps pour apprendre à se connaitre et à s’apprivoiser. Assez batifolé, reprenons notre cap.

Nuit du 8 au 9 mars.

Vent dans le nez, courant contraire, mer bien formée la dernière nuit avant d’atteindre les Perlas est une dure épreuve. Un panne moteur due à au filtre diesel encrassé vient s’ajouter à la nuit de galère. Mais le capitaine garde son sang froid, répare malgré le roulis et tient la barre jusqu’à l’aurore. Au petit matin « TERRE ! ».

Les images de cette navigation hauturière :

- Les dauphins accompagnant les quarts de nuit – faisceau d’étoiles autour du bateau – des anges passent.

- 360° d’océan. Nos vies reposent sur la quille de La Boudeuse.

- Les voiles cabrées sous la force du vent.

- Nora toujours sur le pont à la fois confiante et prudente.

- Eloïse, la force tranquille, sourit à la brise.

- Le ciel empli de milliers d’étoiles.

- Moment de complète liberté, le plongeon dans le grand bleu.

- Le capitaine, valeur sure, audace et obstination.

- Le partage au sein de l’équipage de cette douce folie.

3 mars 2008 – 9 mars De Isla Plata aux Perlas.




Nous quittons notre mini Galapagos et nous dirigeons cap plein nord vers Las Perlas.

Le vent n’est pas de la partie. Et le beau travers que la météo nous prédisait se transforme en près serré. Nous avons parfois l’impression (et ce fut le cas) de traverser un véritable pot au noir. 103h de moteur au total. Pourtant la belle hauturière est pleine de charme, de surprises, de moments de joie, de fatigue parfois et d’imprévus.

4 – 5 mars 2008

Notre équipage s’amarine et s’organise. Personne ne semble souffrir du mal de mer sous un temps il est vrai, très calme. Chacun vaque à ses occupations : un bon bouquin pour Bibi, la rêverie derrière les lunettes noires pour Johan, un bon cigare pour le capitaine, les enfants pour la maman, la malice pour Nora et la paix pour Eloïse.






6 mars 2008

Jour béni, nous passons une partie de la nuit et la journée entière sous voile, bon plein - travers à 5 nœuds. L’allure est confortable et la vie est belle à bord de la Boudeuse.





2 mars 2008 – Isla Plata


De bon matin sous un ciel déchaîné nous tentons de mouiller face à la plage. La deuxième tentative sera la bonne et nous tiendrons jusqu’au lendemain. En juillet août nous avions eu le bonheur d’admirer les baleines qui se regroupent autour de l’île. A cette saison l’île est le refuge de quelques éléphants de mer, de tortues et de multitudes d’oiseaux. Première plongée dans les eaux du Pacifique, mise à l’eau du Kayak, première rencontre avec les pêcheurs qui abordent La Boudeuse des questions plein la tête. Cette halte agréable nous annonce un beau voyage.

1 mars 2008 - Puerto Lucia



Nous ne parvenons pas à y croire. Après trois semaines de reprise en main de La Boudeuse dont une semaine de palabres administratives nous quittons Puerto Lucia en toute légalité. Cap sur Isla Plata. Un bon vent travers nous accompagne jusqu’à l’île à une moyenne de 5 noeuds. Pluies et tornades à l’arrivée, accueillis par les tortues. Sandrine et Bibiana négocient sans peine avec les gardes du parc national pour qu’on puisse passer la nuit…

Puerto Lucia Yacht Club

Le grand atout de cette marina est son climat sec. Nous y avons laissé La Boudeuse un an et demi et la retrouvons sans une once de moisissure. Le principal défaut, c’est les prix élevés et la mentalité yacht club de luxe qui en découle. Un management qui vous fait sentir que vous n’êtes pas les bienvenus… ils préfèrent sans doute les bateaux de luxe aux globes flotteurs ! Mais aussi un manque de franchise et d’appui lorsque les démarches administratives deviennent un peu compliquées. Georges et son équipe peuvent réaliser toute sorte de travaux sur les bateaux. Nous avons fait refaire l’antifouling. Seulement il faut être là pour contrôler l’avancée du chantier. Amitiés encore à Dominique et Sergio et bon vent pour la traversée du Pacifique…